L’ARCHÉOLOGIE REVISITE LE MOYEN-ÂGE MAROCAIN
ⵜⴰⵔⴽⵢⵓⵍⵓⵊⵉⵜ ⴳ
ⵓⵣⵎⵣ ⴰⵏⴰⵎⵎⴰⵙ ⴰⵎⵖⵔⴰⴱⵉ
علم الآثار يعيد النظر في تاريخ
العصور المغربية الوسطى
De l’Atlantique au Tafilalet, le long des contreforts de l’Atlas, s’étend la bordure septentrionale du Sahara. A l’époque médiévale (Xème-XVIème siècle), cette route transversale concentrait les enjeux politiques et économiques des dynasties marocaines qui se sont succédées au pouvoir. Contrôler cette route Est-Ouest, parallèle au lit de l’Oued Draa, permettait de contrôler le fructueux commerce caravanier qui reliait les deux rives du Sahara.
Aujourd’hui, des missions archéologiques marocaines et internationales permettent de revisiter l’histoire de cette région au carrefour des civilisations de l’époque médiévale, entre Afrique et Méditerranée, entre Orient et Atlantique. Par un travail minutieux sur les vestiges matériels et architecturaux, elles complètent nos connaissances et nos représentations de ce riche passé.
L’histoire des Empires Berbères a toujours suscité un grand intérêt. Les dynasties ultérieures, comme les Saadiens au XVIème siècle, se sont constamment référées aux Almoravides et aux Almohades comme modèles. Sous le protectorat, entre 1912 et 1956, les autorités coloniales avaient fait de cette histoire un enjeu majeur de gouvernance, mobilisant les érudits pour retrouver dans les bibliothèques et les manuscrits anciens les traces et les témoignages de cette période.
Après l’indépendance du Maroc en 1956, la période médiévale est restée au centre des recherches universitaires et un référent incontournable de la culture nationale marocaine. Les programmes archéologiques d’aujourd’hui permettent de revisiter cette histoire constamment invoquée.
LES EMPIRES BERBÈRES
ⵉⵎⵏⵓⴽⴷⴰ ⵏ ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ
الإمبراطوريات الأمازيغية
A partir du XIème siècle, le morcellement politique qui prévalait au Maghreb a laissé place à un Occident musulman unifié, gouverné et administré par de grands empires centralisés, les Empires Berbères.
Almoravides (1050-1147) puis Almohades (1147-1269) ont lancé l’unification territoriale depuis le Sud du Maroc actuel avant d’étendre leur domination, par conquêtes et alliances successives, sur d’immenses zones couvrant la majeure partie du Maghreb, mais aussi de l’Afrique subsaharienne et de l’Europe méridionale.
Cette unification politique s’est vite transformée en une culture commune, bien que composée de populations variées. Comme dans le cas d’Ibn Toumert né en 1080 à Igiliz dans l’Anti-Atlas, les dynasties berbères reposaient d’abord sur le souvenir d’un fondateur charismatique. Garantes de la piété, elles cherchaient à diffuser la foi musulmane et leurs doctrines respectives, tout en prenant appui sur le culte rendu aux saints, notamment soufis, sur l’ensemble de leurs possessions.
Mosaïque linguistique dominée par les langues berbères avant une arabisation accélérée, le Moyen-Âge maghrébin a vu l’éclosion de la culture lettrée et scientifique, laissant à la postérité de célèbres savants comme Averroès (Ibn Rushd, 1126-1198) ou Ibn Khaldun (1332-1406).
LES PORTES DE L’AFRIQUE
ⵜⵉⴳⴳⵓⵔⴰ ⵏ ⵡⴰⴼⵔⵉⵇⵢⴰ
أبواب أفريقيا
Les Empires Berbères furent de grands bâtisseurs, élevant des villes entières dans tout le Maghreb, des ribats, des mosquées et des palais mais aussi des forteresses et autres caravansérails, capables de contrôler les routes commerciales qui traversaient ces immenses territoires. L’enjeu du contrôle de la circulation des caravanes était de taille : il s’agissait de tirer profit de l’important commerce transsaharien qui reliait l’Afrique de l’Ouest (Bilad as-Sudan) au reste du monde connu, de l’Europe à l’Asie en passant par le Moyen-Orient.
Le commerce transsaharien était d’abord celui de l’or. Extrait des gisements d’Afrique occidentale, l’or irriguait le commerce mondial et faisait la fortune des intermédiaires successifs qui sécurisaient et taxaient ses circulations. De Sijilmasa à Nul Lamta, en passant par Tamdoult, l’édification de grandes cités oasiennes fut le résultat du commerce du précieux métal.
Le commerce transsaharien était ensuite celui des esclaves, achetés dans les grandes cités du sud du Sahara et revendus dans des centres urbains du sud du Maghreb, comme la place forte almoravide de Tazagurt (forteresse en berbère).
Les populations serviles travaillaient comme domestiques dans le domaine privé mais aussi comme soldats pour le compte de cités ou de dynasties.
Ainsi, les vestiges que l’on observe le long des contreforts atlasiens sont ceux de l’immense commerce avec l’Afrique subsaharienne, commerce contrôlé par les Empires Berbères et qui a dessiné les contours du Moyen-Âge de l’Afrique, de l’Europe, de l’Asie conjointement.
En ouvrant non sans peine une route maritime directe le long de la côte Atlantique de l’Afrique, les Européens ont détourné à leur avantage ce commerce saharien lucratif. La reprise d’Agadir par les Saadiens en 1541 ainsi que la prise de Tombouctou par le sultan Ahmad el Mansour ne suffira pas à contrer l’assèchement progressif du commerce saharien qui avait fait la richesse et le pouvoir des Empires Berbères.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES 6 SITES
La montagne d’Igiliz est le berceau du mouvement almohade, à l’origine de l’Empire almohade (1147-1269).
L’histoire du site d’Igiliz est intimement liée à la figure célèbre d’Ibn Toumart et au mouvement almohade qu’il a initié et dirigé au début du 6e siècle de l’hégire (12e siècle de l’ère chrétienne). Ibn Toumart est un juriste et théologien d’origine amazighe. Sa réforme religieuse, l’almohadisme, est fondée sur le puritanisme et le retour aux sources de la Loi musulmane.
La montagne d’Igiliz est d’abord une forteresse tribale et un lieu de refuge pour la communauté des Almohades opposée à l’Etat almoravide. C’est un ribât, c’est-à-dire un lieu de retraite spirituelle appartenant à la tribu d’Ibn Toumart, les Arghen (ou Hargha en arabe). Elle devient ensuite un lieu de pèlerinage.
Si l’histoire officielle a vite oublié Igiliz, le souvenir de son rôle historique a cependant été conservé par les populations montagnardes, comme en témoigne un texte du début du 18e siècle, dans lequel le site est associé au village de Tifigit.
Présentation du site d'Igiliz
Le site de l’ancienne ville médiévale de Sijilmâsa est situé dans les marges présahariennes du Maroc actuel (région DrâaTafilalet). Ses vestiges sont parsemés sur un vaste terrain vague bordé, à l’ouest par le lit de l’oued Ziz, et à l’est par la séguia Chorfa (canal dérivé de l’oued) qui ourle les faubourgs de la ville moderne de Rissani. Plus largement, le site est placé au cœur d’un vaste réseau de palmeraies formant l’une des plus importante oasis du sud marocain, le Tafilalet, irriguée par les oueds Rhéris et Ziz venus du Haut Atlas.
Sijilmâsa est un site majeur tant pour l’histoire de l’Afrique que pour l’histoire économique et politique du monde méditerranéen médiéval, dont les riches récits sont relativement bien rapportés par les chroniqueurs médiévaux.
Fondée, d’après les textes, par la tribu Miknâsa au milieu du VIIIe siècle de n. è., et aux dépens de plusieurs établissements antérieurs, puis dominée par la tribu berbère des Banû Midrâr qui en fait un émirat kharidjite sufrite indépendant, Sijilmâsa devient rapidement une plaque-tournante du commerce transsaharien médiéval, en tant que première porte pour la traversée du Sahara et principal entrepôt, connectant l’Afrique du Nord aux puissants royaumes sahéliens.
Présentation du site de Sijilmâsa
Malgré l’étendue et la splendeur de l’empire almoravide, un nouveau pouvoir commença à s’étendre par le sud. Les Almohades, qui puisent leurs origines dans les montagnes de l’AntiAtlas, avaient soumis peu à peu le sud du Maroc jusqu’à l’oued Drâa. Curieusement, aucun texte ne mentionne la prise de la ville de Nûl Lamta par les Almohades. Cela nous amène à nous demander si la ville de Nûl Lamta fut soumise par les nouveaux conquérants.
Nous ne possédons pas de données suffisantes pour répondre à cette question. Nous pouvons seulement dire que pendant la prise de la région, ou juste à la suite de celle-ci, les Almohades avaient construit l’impressionnante forteresse de Tiguemmi Ouguellid/Dar-al Soltane qui domine l’oasis de Taghjijt. Ils ont sans doute agi ainsi parce qu’ils doutaient de la loyauté des habitants de la région de Nûl Lamta, ou encore parce que cette place leur servait de base d’opérations pour soumettre la cité légendaire du Sud.
Présentation du site de Nûl Lamta
Cette zone désertique a pour caractéristique particulière d’être bordée au Nord par le Haut-Atlas et l’Anti-Atlas. Ces montagnes produisent suffisamment de fonte des neiges et de ruissellement pour faire du Draa une rivière pérenne qui alimente à son tour l’une des oasis les plus riches du Sahara.
Les plus anciennes traces d’occupations humaines remontent au Paléolithique inférieur soit d’environ 1 million d’années. Il s’agit d’outils en pierre sous forme de galets aménagés et de bifaces collectés principalement à Tamegroute.
La majorité des autres outils identifiés datent du Paléolithique moyen (entre 300.000 et 30.000 ans), attribués aux civilisations moustériennes et atériennes.
Les campements du Paléolithique supérieur et du Néolithique semblent très rares.
La zone est également dotée de sites d’art rupestre préhistorique, qu’il soit gravé ou peint. Seul deux d’entre eux présentent un intérêt manifeste pour le grand public, il s’agit de Foum Chenna à Tizouline et d’Aït Ouazik à Tazarine.
Les périodes postérieurs au Néolithique sont marquées par la prolifération de nécropoles et de tombes tumulaires éparpillées dans le paysage.
La plus importante est celle de Foum Larjam, entre Tagounite et Mhamid.
Présentation du site de Zagora
La station d’art rupestre de M’Laâlek est localisée sur un alignement de crêtes rocheuses pas très hautes, sous forme de V, à 12 km au sud-est d’Akka et à 5 km au sud du village de M’Laâlek.
La station de M’laâlek est considérée, à juste titre, comme site majeur d’art rupestre marocain et nord-africain. Elle renferme un très grand nombre de représentations d’antilopes et de buffles, ainsi que d’éléphants, de girafes, de rhinocéros et de gazelles. Le site contient plus de 450 sujets gravés, dont 85% représente des animaux sauvages. Les figurations gravées s’intègrent dans le style naturaliste « Tazina », connu par l’effilement de certains caractères anatomiques propres à chaque espèce animale, et ont été exécutées par la technique de polissage profond.
La quasi-totalité des représentations gravées de M’Laâlek se rattache à la phase la plus ancienne de l’art rupestre maghrébin, datant vraisemblablement de la fin du Paléolithique (entre 8000 et 5500 ans avant J.-C). Elles ont été dessinées par les dernières populations de chasseurs-cueilleurs.
Présentation du site de Akka
Soixante ans après le séisme ce site bénéficie aujourd’hui d’une restauration et d’un aménagement dans le respect des protocoles internationaux établis pour les interventions patrimoniales après une catastrophe. L'objectif est de mettre le monument au service de la société en tant qu'élément essentiel du patrimoine culturel de la ville.